SYNDICAT SUD SANTE SOCIAUX 35

Dette publique hospitalière : une crise programmée ?

vendredi 10 février 2012 par Sud Santé Sociaux 35

Voilà quelques mois que le scandale DEXIA a éclaté, éclaboussant les collectivités locales et les Etablissements Publics de Santé qui s’étaient compromis dans des produits financiers dits "toxiques".

Depuis, la propagande néolibérale a déferlé sur les médias pour marteler la rigueur dans tous les esprits. Une question se pose. Faut-il également l’austérité pour les Hôpitaux ? Sud Santé Sociaux 35 revient sur l’origine de la "crise de la dette publique Hospitalière"

Une volonté politique de créer de la dette

Comme celle de la dette de l’Etat, la dette de l’Hôpital public est le produit de 2 décisions politiques qui s’inscrivent dans une démarche de désengagement de l’Etat de sa mission de service public de santé.
La première est le plan Hôpital 2007, qui formalisait la nécessité pour l’Hôpital public d’investir massivement pour se moderniser. Cependant, cet effort financier massif ne devait se faire en très grande partie que par l’autofinancement, assaisonné de maigres aides financières ponctuelles de l’État.

Or, le mode de financement en vigueur dans les Hôpitaux depuis cette même période, la Tarification à l’Activité (T2A), issue elle aussi d’une volonté politique, était totalement inadapté à cette contrainte. En effet, bien que présentée comme une manière de dégager des recettes en dynamisant l’activité, c’est bien l’inverse qui était visé par la T2A et qui s’est produit, puisque l’État, par le biais du vote annuel au Parlement de l’Objectif National de Dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM), limite en amont l’enveloppe des ressources. Les hôpitaux était donc voué à être d’abord en déficit, et donc en incapacité d’autofinancer sa politique d’investissement, aussi légitime qu’elle fût.

Les directions se sont donc reportées vers une politique massive d’emprunt. Or, qui dit emprunt dit frais financiers, et la volonté de limiter au maximum ces frais financiers à incité les directions à répondre à des propositions d’emprunts à taux variables très attractif à leur lancement, plus ou moins risqués selon l’indice sur lequel on les adossait. Et beaucoup d’établissements se sont portés vers des produits DEXIA. Le reste de l’histoire est bien connue. Par ce biais, l’Etat a réussi à accomplir le vœu le plus cher des lobbies néo-libéraux : rendre accessible à la finance et spéculateurs de tout poil la manne colossale de l’argent de l’Assurance Maladie, qui était auparavant sanctuarisé par le système de répartition.

Il n’y a pas pire aveugle...

Au vu de cette mise en perspective, expliquer, comme l’ont fait les directeurs convoqués par Xavier Bertrand, la crise de la dette publique de l’Hôpital, par le seul « manque d’expertise » de directions non formées aux arcanes de la finance internationale, est une preuve ou d’aveuglement caractérisée, ou d’une mauvaise foi phénoménale pour camoufler l’échec patent d’une adhésion idéologique à une libéralisation du modèle de santé - et l’on ne sait pas quelle est la plus rassurante des deux solutions.

Autopsie d’une dette : le CHU de Rennes

Le CHU de Rennes n’a pas échappé à ce mécanisme destructeur, et SUD a fait des pieds et des mains pour qu’un mini audit de sa dette nous soit présenté.

Dans les 15 dernières années, bien qu’étranglé par des plans de redressement successifs, le CHU a dû auto-financé un certain nombre de grands projets. Certains l’ont été uniquement par l’emprunt (nouveau bâtiment des urgences), d’autres par des partenariats publics privés (PPP) qui ont pris la forme d’un bail emphytéotique avec Eiffage dont les résultats ont été aussi désastreux qu’ils l’ont été pour l’hôpital francilien. Quoi qu’il en soit, le CHU a investi dans les 10 dernières années 450 millions d’euros, dont les 2/3 par recours à l’emprunt. 10% de ces emprunts ont été souscrits dans le cadre de contrats à taux variables dits « à risque particuliers », qui sont les véritables emprunts toxiques. Aujourd’hui, 4 sont encore en cours de remboursement auprès de DEXIA.

La seule chose qui a limité une crise caractérisée de l’emprunt au CHU est le choix des indices auxquels ont été adossés ces 4 emprunts, qui le sont sur des indices de la zone euro (CMS euro, taux moyen auquel les banques européennes se prêtent entre elles à différents horizons de temps). Or, « coup de chance », lors de la crise des subprimes en 2008, le taux annuel de ces contrats a été calculé quelques semaines avant l’effondrement des marchés qui aurait fait exploser les taux du CHU. Dans leur rhétorique, la direction financière peut donc afficher fièrement que le CHU a économisé 1,4 millions d’Euros par rapport à un taux fixe. « autant d’emplois qui ont pu être maintenus », persiflent-ils. Le chiffre de 1,4 millions d’euros de surcout sorti par Libé pour le CHU ne serait en fait que l’indemnité libératoire que le CHU aurait du verser s’il avait requalifié ses emprunts pourris en emprunts plus sécurisés.

Le plus inquiétant est l’absence totale de recul des directions. Pour eux, ils n’ont fait que choisir entre deux « risques » : le risque de perdre de l’argent en taux variable ou le « risque de ne pas en économiser » avec des taux fixes ! ils ne voient pas non plus la nécessité de sortir de ces produits toxiques car « personne ne voit comment, à moyen terme, les marchés européens pourraient s’effondrer à tel point que le CHU en serait à nouveau pénalisé. Le décret paru récemment qui limite pour les hôpitaux le recours à des emprunts à taux variables à ceux indexés sur des valeurs de la zone euro témoigne de cette incapacité à acter l’échec d’une politique.

Réfléchir à des pistes durables :

Le comportement erratique d’un grand nombre d’hôpitaux publics en matière d’emprunt a provoqué une telle défiance auprès des banques que ces dernières n’accepteront plus de leur prêter, au moins pendant un temps, qu’à de staux prohibitifs... Et l’Hôpital Public se retrouvera tout nu : plus de soutien de l’Etat et désamour des marchés.

Une chose est donc certaine. Sans une réforme en profondeur du financement de l’hôpital qui le libère radicalement et définitivement de la contrainte du recours massif à l’emprunt, nous courrons à une nouvelle catastrophe, inéluctable.

Plusieurs mesures sont donc à prendre, dont une en urgence : un audit de la dette hospitalière et annulation des titres pourris « illégitimes » et rachat par l’État des autres titres

Dans un second temps, il est indispensable d’entamer une refonte du financement des Hôpitaux et de leur capacité d’investissement avec réengagement de l’Etat à travers l’Assurance Maladie.

SUD Santé Sociaux n’aura de cesse de militer, d’informer, et de former, pour que ces objectifs soient imposés comme des priorités incontournables.


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